Fais ce que tu aimes.

Dans un post précédent, l’idée d’aimer ce qu’on fait, le plus objectivement possible, est définie comme un baromètre pour atteindre un niveau de qualité suffisant aux yeux d’autres éventuels “juges”. Cette thèse nécessite d’être précisée plus en détail.

Pour cela, commençons par citer Adam Moss lors de sa récente discussion avec Ezra Klein, et particulièrement le cycle itératif de création “Imagine, Judge, Refine” qu’il y mentionne. Et groupons les étapes 1 et 3 sous la bannière de la “capacité à effectuer”. On a donc, pour soutenir notre thèse initiale, deux sous-aspects fondamentaux : la capacité à évaluer correctement son travail (“Judge”) et la capacité à créer une oeuvre de la qualité minimale recherchée (“Imagine” & “Refine”).

Particulièrement, c’est la mention de la capacité à évaluer qui était absente du post précédent. Or, pour nourrir la création, et ainsi faire de ce qu’on aime quelque chose d’attractif pour autrui, cette capacité doit être soutenue par un sens du “bon goût”1 particulièrement aiguisé, ce qui implique un travail sur deux dimensions, étroitement liées :

  1. Une confiance en son propre jugement, en son propre ressenti émotionnel face à un ouvrage. C’est ce que Adam Moss mentionne en discutant de son travail passé d’éditeur d’articles de journaux.
  2. Une familiarisation avec les chefs-d’oeuvre du passé pour nourrir son sens du goût avec ce qui a repoussé les limites de la création humaine. C’est ce que Cal Newport propose (“Improve your taste”) dans son dernier livre, “Slow Productivity”, et qui fait écho à ce que Rick Rubin conseille2 dans sa discussion avec, encore lui, Ezra Klein. C’est sans doute l’unique façon d’étendre notre propre champs des possibles, intimement lié à cette idée de création et de jugement de “valeur”.

La possibilité de créer en se fiant à “ce qu’on aime”, et donc de faire ce qu’on aime avec succès (peu importe la définition du terme) nécessite donc de (1) repousser la barre de ce qu’on considère comme, virtuellement, 100% de la qualité imaginable (“Judge”), et de (2) développer les capacités permettant d’augmenter le niveau de ce qu’on produit sur cette échelle (“Imagine” & “Refine”).

Il reste alors la question, dans le cycle “Imagine, Judge, Refine”, de quand s’arrêter. Que ce soit par une qualité jugée comme suffisante, par la limitation de notre capacité à l’améliorer, par le besoin de passer à autre chose ou autre. Cela dépend certainement du type d’ouvrage en cours de création. Là ne réside sans doute pas la question essentielle : c’est l’immersion dans le processus en lui-même qui importe, pas ce qu’il finit par produire.

  1. Où le goût s’entend comme défini par le Larousse : “capacité à discerner ce qui est beau ou laid selon les critères qui caractérisent un groupe, une époque, en matière esthétique↩︎
  2. Notons qu’il conseille particulièrement de ne pas se limiter à son propre domaine dans cet exercice de familiarisation. Il faut impérativement se nourrir de ce qui a été fait ailleurs. Cela rejoint certainement ce que Erza Klein mentionne dans sa discussion avec Adam Moss : “It made me think of Steven Johnson’s book, “Where Good Ideas Come From.” And one of his arguments in that book is that great ideas often come from adjacency. Somebody knows a lot about a domain and then looks over into the next domain and applies it↩︎

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